Une rencontre assez inattendue

Aujourd'hui, tu t'es décidée à sortir. Et seule de surcroît. Aella étant au travail et la puce à l'école, tu t'es donc retrouvée seule et tu avais fini ton travail depuis presque une heure. Alors, plutôt que de rester chez toi – chose que tu fais assez souvent, il faut le dire – tu as préféré prendre l'air. Et quoi de mieux que d'aller à la bibliothèque chercher quelques livres pour enfants pour ta nièce. Que ce soit pour sa sieste ou son coucher, cette petite chipie réclame des histoires et surtout que ce soit toi qui les lise. Alors, il te faut rechercher des histoires différentes tous les jours pour ne pas sombrer dans la répétition. Et Dieu sait que c'est de plus en plus difficile. Tu as l'impression d'avoir épuisé toutes les histoires du monde pour cette petite fille curieuse et rêveuse. Tu as pourtant essayé de créer toi-même les histoires mais ce fut un fiasco total et invraisemblable. Une terrible erreur.

Tu es donc maintenant dans cette bibliothèque que tu connais assez pour y avoir traîné ces dernières semaines. Le rayon enfant est même devenu une seconde maison pour toi. Mais au fond, tu fais tout pour combler de bonheur cette petite qui est ta nièce. Tu n'aimes peut-être pas les enfants mais elle … Eh bien, elle est l'exception qui confirme la règle. Bon ok, c'est ta nièce donc tu n'es pas objective. Et puis, tu vas quand même pas la renier sous prétexte que tu n'aimes pas les enfants, si ? … Tu secoues la tête. Pourquoi tu te poses la question maintenant ? Et puis, la réponse est tellement évidente. Non, tu ne peux pas la renier. C'est ta nièce quand même. Elle est presque la chair de ta chair. Vous avez le même sang, sacrebleu. De nouveau, tu secoues la tête. Tu n'es pas ici pour te poser les questions existentielles ni pour rester bloquer en plein milieu d'une allée sans rien faire. Les gens vont te prendre pour une dingue.

Tu continues ta route vers l'objet de ta quête mais en voulant tourner à droite avant de monter au premier étage de la bibliothèque, quelqu'un te rentre dedans. Tu ne t'y attendais pas le moins du monde, encore moins ici. Mais qu'à cela ne tienne, ce n'est pas grave. Tu n'es pas blessée, c'est le principal. Et la personne en face de toi ne l'est pas non plus, il faut croire.

- Ça va ? Tu lui demandes alors que c'est quand même lui qui t'a foncé dedans. Ça serait plutôt à lui de te demander ça mais le pauvre a l'air tout aussi perdu que toi dans ce genre de situation.

La tête un peu ailleurs ces derniers temps, le froid de l’hiver qui s’approche lui fait ressentir cette douleur singulière dans sa jambe gauche. Putain d’accident. La date anniversaire du décès de Katherine le hante également. Il doit penser à autre chose, changer ses idées, oublier, essayer d’oublier ces horreurs qui lui reviennent en flash et lui grillent les rétines. Étrangement, l’un des rares endroit où il trouve un certain réconfort, c’est bien la bibliothèque. Drôle d’endroit pour une personne souffrant d’hyperactivité et ce besoin constant de s’agiter dans tous les sens. Pourtant, il y a quelque chose de rassurant qu’il trouve dans ce lieu plein de savoir. C’est réconfortant, une sorte de petit cocon et puis, il doit bien avoir de nouveaux livres qu’il n’a pas encore lu, ou qu’il aimerait relire. Alors, d’un pas presque décidé, il décide de ce joindre à la population de la ville pour nourrir un peu plus son cerveau qui en demande tant. C’est bien souvent dans le silence entouré de plein de personne que les bruits incessants de se stoppent enfin. C’est le paradoxe de Newton. Cet être complexe et pourtant.

Il foule le plancher du lieu sacré à ses yeux, il n’est pas religieux pour un sou, cartésien à souhait. Newt, il se distingue de Murphy et de sa folie pour l’astrologie. Lui l’amoureux des livres, il se dit que la bibliothèque c’est son lieu de culte. Il prend un livre, puis deux, puis trois, puis il se retrouve avec une pile instable dans les bras qui fait qu’il est incapable de voir ses pieds. Il n’aurait pas dû se lancer dans un si grand projet. Il connait sa maladresse, et quand il essaye de mettre un pied devant l’autre, il y a son genou gauche le tire violemment. Il perd l’équilibre, incapable de se remettre droit, sa pile tangue et au détour d’une allée, il ne voit pas la jeune femme qui débarque. La collision est inévitable.

Le choc n’est pas violent, mais assez pour que les livres tombent au sol dans un fracas. Ca aurait puis lui arracher une larme. Les regards se sont tournés d’un coup. Voilà qu’il venait d’être remarqué. Il a comme une sensation horrible, celui d’être sous les feu des projecteurs et c’est ce qu’il déteste le plus. Être remarqué. C’est la voix de l’inconnu qui le ramène à la raison. Est-ce qu’il va bien ? Cette question est toujours maladroite. « Ça va… et vous rien de cassé ? » Il soupire, ces politesses qu’il a dû apprendre en étant gosse, qu’il continue encore d’appliquer.  « Je viens juste de tuer pour la secondes fois une bonne quantité de mes auteurs préférés. » Tuer, ça lui rappelle Katherine, un frisson qui le parcourt qu’il tente de réprimer en ramassant les livres étendus sur le sol. « J’espère que Socrate ne t’as pas cassé les pieds. » Blague nulle, il le reconnait.