bleu galaxie. (shaël)

t’étais encore bourré hier.
comme ça. sans raison. juste pour le fun.
sauf que, rien qu’cette fois, tu t’dis que t’aurais mieux fait de te retenir. c’était marrant sur l’instant. la bande et toi. toi et la bande. un skate au milieu. tu sais pas trop d’où il est sorti. un des gars l’avait surement ramené. ou peut-être que c’était saturne, on s’en fout un peu. et toi, l’esprit embrouillé par les grammes dans tes veines, t’as eu l’image de maël. maël aussi à l’aise sur ses deux jambes que sur quatre roues. c’est con mais tu l’envie. t’aimerais bien savoir faire c’qu’il fait. s’envoler comme lui. essayer d’attraper les nuages. tu l’as toujours admiré pour ça. d’puis que t’es gamin. gosse maladroit, adulte encore pire.
t’as mis les deux pieds sur le grip.
comme ça. sans réfléchir. juste pour le fun. pour faire comme ton frère.
c’était pas une idée brillante. l’genre de pensée idiote qu’on ferait mieux d’mettre de côté. mais, les sens embrumés, ça paraissait pas être si bête que ça. t’as eu du mal à trouver ton équilibre. les jambes tremblantes. ça a bien fait marrer les potes. même quand t’as fini le cul par terre. sonné. t’as pas trop compris c’qu’il se passait. le cerveau au ralenti, la douleur atténuée par l’alcool. t’as rigolé aussi. un peu. grimacé, beaucoup. surtout quand jupiter et pluton sont v’nus t’aider à te relever.
t’étais encore bourré hier.
aujourd’hui, t’as le joint à la bouche pour t’empêcher de grogner à chaque pas. hématome couleur galaxie sur la fesse gauche. égratignures et sang séché sur les mains. tu t’es pas loupé. t’as pas d’doute que maël va pas t’louper non plus. ça va l’faire bien rire, ce con. t’inspire longuement. laisse la fumée glisser le long d’ta gorge pour atterrir direct dans tes poumons. tu t’assois dans le canapé. t’essaye. siffle entre tes dents. trouve une position chelou mais assez confortable. il est d’jà midi passé. t’attrapes ton téléphone, commande une pizza. toujours la même. toujours pareil.

t'as eu la flemme de te lever. t'es de repos aujourd'hui, t'as carrément eu la flemme de sortir de ton lit, dormant sans doute bien trop longtemps, alors que le soleil filtre à travers tes rideaux depuis plusieurs heures maintenant. un soupir sur les lèvres, tu termines par émerger de ton état à moitié endormis. tu récupères ton téléphones et traînes un peu sur les réseaux sociaux avant de finalement décider à te lever, ne prenant pas la peine d'enfiler un jogging. c'est pas comme si ton frangin n'avait pas l'habitude de te voir en boxer et en t-shirt avec ta gueule du matin. tu te grattes la joue et sort de ta chambre, soupirant lourdement quand tu sens l'odeur caractéristique des joints que fume ton frère à longueur de journée. t'as pas à chercher bien longtemps pour le trouver, alors que tu traînes des pieds jusqu'au salon. éteins-moi cette merde. tu lâches en guise de bonjour, alors que tu vas ouvrir la fenêtre en grand, glissant tes doigts dans tes cheveux pour les éloigner de ton front.
tu viens te laisser tomber sur le canapé, pas trop loin de ton frangin. ça va la gueule de bois ? tu lâches en arquant un sourcil, riant un peu de l'état de ton frangin. tu choppes une de ses mains pour observer les croûtes de sang. ptin me dit pas que t'as encore essayé de faire du skate ? tu lâches, presque moqueur. tu n'apprendras donc jamais de tes erreurs. tu pouffes en te redressant un peu, étouffant un bâillement contre la paume de ta main. 

t’as la tête complètement dans l’cul, shae.
les cernes sous les yeux et l’teint un peu livide d’pas avoir réussi à dormir.
foutue ecchymose. foutu skate. foutue vodka aussi. t’es sûr qu’tu serais jamais monté sur cette planche sans ça. si t’avais été sobre. objet de malheur. ça t’intrigue quand même. ça te laisse perplexe. tout ces gens comme maël qui pourraient passer leur vie sur quatre roues. ça te laisse envieux aussi, un peu. parce que t’as pas d’talent, toi. rien dont tu pourrais t’venter. rien qu’tu maitrises à la perfection. y’a des pas dans l’appart qui t’font sortir de tes réflexions. tu bouges légèrement. grimace sous la douleur d’un simple effleurement entre tes fesses et le tissu du canapé. la voix de maël tarde pas à s’faire entendre. éteins-moi cette merde. tu lui fait un fuck qu’il remarque pas, dos à toi entrain d’ouvrir la fenêtre.
vu l’prix, ça risque pas d’arriver avant que j’l’ai terminé.
il se laisse tomber sur le fauteuil. juste à côté d’toi. t’as envie de l’insulter d’tout les noms mais tu te retiens. tu sers juste les dents à la place tout en essayant d’trouver une position à peu près correcte. tu laisses un grognement t’échapper quand il te demande pour ta gueule de bois. t’as tellement mal au cul que t’en avais oublié le marteau piqueur dans ton crâne. ptin me dit pas que t'as encore essayé de faire du skate ? qu’il te lance en attrapant une de tes mains amochée. il s’moque. tu l’sens dans son intonation.
on m’a bousculé et j’me suis ramassé. rien à voir avec le skate.
t’essaye de paraitre détaché mais t’as jamais su mentir. t’as bien conscience qu’il voit clair dans ton jeu. alors tu tente autre chose. le changement d’sujet. ça c’est un truc pour lequel t’es assez doué.
j’ai commandé d’la pizza, j’espère que t’as faim.

shae parfois t'as envie d'lui foutre des claques et de lui foutre un coup de pied au cul. tu supportes pas de le voir fumer des joints et encore moins l'odeur. pas que t'ai jamais touché quand t'étais ado, mais c'est de plus en plus fréquent chez ton frangin et l'appartement empeste, littéralement. vu l’prix, ça risque pas d’arriver avant que j’l’ai terminé. tu lèves les yeux au ciel et te retournes vers lui, retenant un frisson à cause de la fenêtre désormais ouverte. tu t'approches de lui et tes doigts agrippent le joint que tu viens éteindre dans le cendrier. ça s'rallume. on était d'accord sur le fait que ta chambre, j'en ai rien à battre, mais pas le salon ou la cuisine où j'sais pas quelle pièce ou on est censé vivre ensemble. tu marmonnes en venant t'affaler sur le canapé. ne manquant pas la grimace de ton frangin. ni ses mains défoncées. et visiblement, pas que ses mains. on m’a bousculé et j’me suis ramassé. rien à voir avec le skate. évidemment. tu réponds presque lascivement, tes doigts glissant dans tes cheveux. mec y'a que deux situations dans laquelle t'as autant mal au cul que pour grimacer quand j'me suis assit. soit paco t'as baisé un peu trop fort, mais ça fait trop longtemps qu'il le fait pour que t'ai aussi mal au cul. la seconde option, c'est que t'ai essayé de monter sur une planche bourré et que t'es tombé sur le cul. genre, littéralement tombé sur le cul. tu fanfaronnes presque. tu l'connais ton frangin, au fond. tu l'connais trop bien. ’ai commandé d’la pizza, j’espère que t’as faim. tu hausses les épaules. pourquoi pas. tu réponds simplement. y'a des glaçons au congélateur si jamais tu veux, pour ton cul. et d'la crème à la salle de bain, mais comptes par sur moi pour t'en foutre. tu ajoutes tout de même après un petit temps de silence, trop tenté, mais aussi un peu inquiet pour shae. tu te mords l'intérieur de la joue, alors que tu tournes la tête vers ton frangin.